Journée internationale des femmes et filles de sciences, découvrez le portrait de Lu.

Lu Zhang, Maîtresse de conférences, INSA Rennes, responsable de l’équipe VAADER de l’IETR.

Maîtresse de conférences et responsable de l’équipe VAADER (Video Analysis and Architecture Design for Embedded Resources) à l’IETR, Lu Zhang est experte en traitement d’image, une compétence qu’elle a mise au service du projet CominLabs Affinity qui vise à étudier le comportement des personnes atteintes d’un TSA[1] en présence de leur affinité. À travers cet entretien, Lu nous partage son parcours, son implication dans ce projet, et ses réflexions sur la place des femmes dans le milieu de la recherche.

Durant sa licence effectuée à l’Université du Sud-Est et son Master effectué à l’Université Jiao Tong de Shanghaï en Chine, Lu s’était déjà orientée vers le génie électrique, avec un intérêt marqué pour le traitement d’images.

« Contrairement au système français où le mémoire est plutôt réservé au master, les étudiants chinois doivent soutenir un mémoire de recherche en licence, avec un semestre complet dédié à ce projet académique final. Mon intérêt précoce pour le traitement d’images s’est concrétisé par un mémoire de fin d’études sur la détection et reconnaissance du visage. Puis, j’ai poursuivi cette spécialisation lors de mon master avec un projet autour du développement d’un décodeur vidéo et un mémoire de fin d’études sur la détection de région d’intérêt. Faire un master, c’est déjà s’orienter vers la recherche car on doit effectuer quelques travaux en laboratoire. »

Arrivée en France en 2008, Lu rencontre des chercheurs passionnés qui nourrissent son intérêt pour la recherche française et la motivent à y faire carrière. Déterminée à intégrer ce monde après une année consacrée à l’apprentissage de la langue française, Lu est orientée vers Patrick Le Callet, professeur à Nantes Université, qui deviendra son directeur de thèse. À l’époque, plusieurs sujets de thèses lui sont proposés, la chercheuse en devenir peut donc choisir celui qui l’intéresse le plus.

« Le domaine du médical m’attirait, mais je n’avais pas encore eu l’opportunité de l’explorer pendant ma licence ou mon master. J’ai donc réalisé une thèse portant sur les modèles d’observateur pour l’évaluation de la qualité d’images médicales. »

C’est pendant ces trois années que Lu rencontre ses mentors, son directeur de thèse, Professeur Patrick Le Callet, et sa co-encadrante de thèse, Christine Cavaro-Ménard, maîtresse de conférences à l’Université d’Angers.

« Ils m’ont beaucoup soutenue tout au long de mon parcours. J’ambitionnais de devenir maitresse de conférences, mon objectif est devenu le leur. Au quotidien, leur bienveillance et leur patience ont été inestimables. Comme je ne parlais pas encore très bien français, ils prenaient le temps de m’écouter et corriger mes écrits. Ils m’ont aussi aidé à structurer mes articles, à cibler les bonnes revues et conférences, et m’ont encouragé à rendre mes travaux accessibles pour la communauté scientifique. Ils m’ont guidée dans les démarches à entreprendre pour atteindre mon objectif. A la fin de cette expérience, j’ai obtenu un prix de thèse dans le domaine [2], symbole de notre réussite collective. »

Aujourd’hui, Lu est toujours passionnée par le domaine médical, mais ses recherches s’étendent également à d’autres sujets, comme l’évaluation de la qualité des images naturelles.

« Après ma thèse, j’ai été recrutée en tant que maîtresse de conférences à l’INSA Rennes et intégrée à l’équipe VAADER de l’IETR.  J’ai alors élargi mes recherches à la modélisation de la perception humaine et à ses applications dans l’évaluation de la qualité des images naturelles et la détection de saillance, qui constitue d’ailleurs la thématique de mon HDR. Cette thématique interagit avec d’autres sujets présents dans l’équipe, tels que l’analyse d’images et le codage des vidéos. »

Le sujet de la thèse de Lu exigeait des compétences transversales, couvrant différentes disciplines, comme le traitement d’images, l’imagerie médicale, la cognition psychologique, la modélisation mathématique et le génie informatique appliqué. Par le biais du projet CominLabs Affinity, Lu se reconnecte au domaine pluridisciplinaire.

« Je trouvais que c’était un projet passionnant en plus d’être vertueux et il me permettait de renouer avec la thématique pluridisciplinaire qui m’avait toujours intéressée. »

En rejoignant ce projet, Lu prend la direction de la thèse de Julie Fournier[3] et se penche sur le travail de l’analyse de l’attention visuelle des personnes atteintes de TSA en utilisant l’oculométrie.

« Le but de cette thèse est d’utiliser l’oculométrie pour mesurer l’attention visuelle des personnes atteintes de TSA en présence de leur affinité, mais aussi face à des stimuli neutres, afin d’étudier leurs comportements visuels. Des analyses croisées avec celles de psychologues ont permis de mettre en lien les caractéristiques autistiques des personnes ayant un TSA et leurs comportements visuels face à l’affinité. »

Le projet Affinity a été mené avec des chercheuses passionnées (Lu, Myriam Chérel[4], Meriem Outtas[5]) par ces thématiques. Bien que les femmes soient majoritaires dans la recherche en santé, elles restent sous-représentées dans les domaines informatiques[6]. Toutefois, Lu observe une progression du nombre de jeunes chercheuses dans ce secteur.

« Je pense qu’il y a eu une évolution, même si je ne connais pas les statistiques exactes, j’ai l’impression qu’il y a plus de femmes aujourd’hui qu’à mes débuts. Autour de moi, j’observe une présence marquée de doctorantes et lorsque je participe à des conférences, je rencontre de plus en plus de chercheuses. Le projet Affinity en est une illustration frappante : l’équipe est intégralement composée de femmes, alliant chercheuses permanentes, une post-doctorante, deux doctorantes et deux ingénieures d’étude. »

Pour encourager cette dynamique, Lu propose plusieurs initiatives.

« Je crois qu’il faut éveiller l’intérêt pour la science chez les jeunes filles dès le plus jeune âge, en rendant les démonstrations ludiques. Au collège ou au lycée, je pense qu’il est parfois déjà trop tard, car les élèves ont déjà une idée préconstruite de ce qu’ils peuvent et veulent faire. »

La chercheuse observe que les enfants qui sont baignés dans un environnement de recherche, à qui l’on donne le goût des sciences, s’intéressent naturellement davantage à ces domaines. Elle souligne également le rôle fondamental des parents dans la construction de la confiance en soi des jeunes filles.

« Il faudrait peut-être aussi sensibiliser les parents, les informer sur les opportunités des carrières scientifiques, éviter de transmettre l’idée selon laquelle ce sont les garçons qui sont doués en sciences. Les inviter à leur dire qu’elles aussi, elles sont capables. »

Face aux jeunes filles hésitant à poursuivre une carrière dans la recherche, Lu met en avant l’importance des échanges entre chercheuses et étudiantes. Cette dernière nous raconte que lors de conférences, il y a souvent des moments formels et informels qui permettent des discussions enrichissantes. Ces échanges, selon elle, sont essentiels pour partager son expérience et répondre à leurs interrogations. De plus, la chercheuse pense qu’il est crucial que les jeunes filles se rendent compte qu’elles ont de nombreux modèles inspirants.

« C’est important de leur montrer qu’il y a beaucoup de femmes, de chercheuses, qui s’épanouissent pleinement dans des carrières scientifiques. »

Ces échanges s’avèrent aussi bénéfiques pour les jeunes chercheuses que pour les plus expérimentées, car ils offrent l’opportunité de partager des expériences tout en restant proche des nouvelles générations et manières de penser.


[1] Trouble du spectre de l’autisme.

[2] Prix de thèse en Génie Biologique et Médical 2012, décerné conjointement par la SFGBM, l’AGBM, le GdR Stic Santé et le chapitre EMBS de IEEE France..

[3] Julie Fournier, post-doctorante, INCR.

[4] Myriam Chérel, maîtresse de conférences de l’Université Rennes 2, co-coordinatrice du projet Affinity.

[5] Meriem Outtas, enseignante-chercheuse, INSA Rennes.

[6] Tandis que l’Inserm ou l’institut Pasteur enregistrent plus de 50% de chercheuses, des instituts de recherche en informatique comme Inria n’en comptent que 22% en 2021. : https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T493/la_parite_dans_la_recherche/

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