Projet SEACS : vers une reconstruction plus performante de variables océanographiques.

Au travers de cette série d’interviews, nous vous invitons à découvrir certains des projets du labex CominLabs tout en en apprenant plus sur les sciences du numérique.

Nous avons eu l’occasion d’échanger avec Ronan Fablet, Professeur à l’IMT Atlantique et membre du Lab-STICC. Il a été responsable du projet SEACS.

Qui êtes-vous ?

Je suis Ronan Fablet, je suis professeur à l’IMT Atlantique et membre du Lab-STICC. Je travaille dans le domaine des sciences des données et de l’intelligence artificielle. Mes domaines d’application sont l’observation et la surveillance des océans, l’océan vu comme composante du système Terre avec un focus principal sur la physique des océans. J’aborde également des domaines d’applications relatifs à l’écologie, la surveillance ou la défense.

Qu’est-ce que le projet SEACS ?

Un des objectifs du projet SEACS était de développer de nouveaux modèles ou de nouvelles représentations de systèmes dynamiques associés à l’océan pour des problèmes de simulation, de prédiction ou de reconstruction de certaines variables océanographiques. Cela portait principalement, en lien avec l’observation satellitaire, sur des grandeurs physiques de la surface des océans, comme les courants ou la température. Un des principaux enjeux était de bien combiner les capacités de modélisation et les capacités d’observation. Dans le cadre du projet SEACS nous avions deux approches : la modélisation stochastique directe des océans et l’apprentissage de modèles à partir des données.  Il s’agissait d’explorer et d’exploiter des données d’observation spatiale pour ces problématiques de simulation et de reconstruction de certaines grandeurs physiques de l’océan.

Quelles compétences et quels domaines ont été en jeu dans le projet SEACS ?

Nous avons collaboré avec des chercheurs du LOPS à Brest qui font partie du Labex Mer.  Ce sont des spécialistes de l’océanographie spatiale d’une part, et ils ont apporté une expertise sur la compréhension des paramètres géophysiques des océans mesurés à partir d’observations satellitaires, et de l’océanographie physique d’autre part, c’est-à-dire le domaine de la modélisation de l’océan.

Le domaine de la modélisation mathématique et stochastique était appréhendé par  les chercheurs du LMBA et de l’IRMAR, et  le domaine des sciences des données par l’équipe Fluminance du Centre Inria Rennes et mon équipe du Lab-STICC.

L’originalité et la spécificité du projet étaient justement l’hybridation entre ces différents aspects permettant de revisiter ces questions et de proposer de nouveaux algorithmes de reconstruction et de prédiction de variables océaniques comme les courants marins.

Quelles problématiques ont été à l’origine du projet SEACS ?

Nous nous intéressons, par exemple, à la problématique de reconstruction des courants à la surface des océans, de prédiction de l’évolution de ces courants à partir de données satellitaires. Ces dernières sont des observations ponctuelles et partielles en espace (elles ne sont pas disponibles sur tout l’océan) et en temps (acquisition sur la durée mais avec une certaine périodicité). Il n’y a pas assez de satellites (et sans doute heureusement) pour avoir des informations continues. L’objectif est, à partir de ces informations partielles, de reconstruire une information plus élaborée et plus dense sur les courants océanographiques.

Dans quelles situations ces données sont-elles intéressantes ?

Elles sont d’intérêt pour beaucoup d’études différentes, notamment sur la compréhension des relations entre la physique des océans et la biodiversité comme les dynamiques du phytoplancton, sur la manière dont la physique des océans contraint la distribution des espèces marines. Ce sont des données qui sont également intéressantes pour le trafic maritime, pour le routage des bateaux par exemple, ou pour les enjeux climatiques, ces données pourront être utilisées pour des modèles de projection sur le climat.

Source de l’image : Etienne Mémin, publications, site IRISA

Qu’est ce qui a été marquant pour vous pendant le projet SEACS ?

Les chaînes de traitement, dans les centres opérationnels comme l’Ifremer ou Mercator Ocean, permettant de mesurer les courants marins, utilisent des méthodes de reconstruction appelées assimilation de données. Cela consiste à se doter d’un modèle numérique de l’océan, à partir d’outils de modélisation physique. A ce modèle, on combine les données d’observation afin d’estimer le courant à la surface de l’océan.

L’approche que nous avons développée quant à elle ne nécessite pas d’avoir explicitement un modèle physique. Elle est basée sur les données et l’apprentissage. C’est la première fois que ce type de modèle est utilisé sur cette problématique.

Avec le projet SEACS, nous avons réalisé une première démonstration de leur performance. Nous avons conçu des algorithmes de reconstruction de dynamiques spatio-temporelles dont l’évaluation et la démonstration ont été effectuées sur des cas d’étude spécifiques liés à l’océanographie spatiale.

Qu’est-ce que le Labex CominLabs a apporté au projet ?

CominLabs a offert un cadre et un soutien pour consolider et structurer des relations déjà existantes, autour d’un même projet à l’échelle régionale. Cela a permis de construire et pérenniser un groupe de chercheurs de différents horizons qui a, par la suite, suscité l’émergence d’autres projets dans la continuité du projet SEACS avec notamment le LOPS, IMT Atlantique et Inria. Il y a justement un projet de création d’une nouvelle équipe-projet Inria porté par Etienne Mémin sur ces thèmes-là.

Quelles sont les perspectives à la suite du projet SEACS ?

Le projet SEACS a permis d’initier un certain nombre de dynamiques de recherche qui ont trouvé des prolongements à l’heure actuelle.

Il y a le projet « Stochastic Transport in Upper Ocean Dynamics » de Etienne Mémin (Inria) et Bertrand Chapron (Ifremer),  lauréat à l’appel  ERC Synergy Grant 2019.

De mon côté, je pilote une chaire IA qui s’appelle OceaniX.

Des projets ont été lancés en collaboration avec le CNES pour continuer l’évaluation de ce type de méthodes de reconstruction avec des techniques d’apprentissage.

Des projets ont également vu le jour avec des partenaires industriels tel que CLS et des startups comme eOdyn et OceanDataLab.

Actuellement, les outils ne permettent pas de reconstruire des éléments à une échelle plus fine qu’une centaine de kilomètres. L’enjeu est d’améliorer la résolution spatiotemporelle des produits géophysiques comme les courant marins. Les utilisateurs de ce type de données sont des agences spatiales comme le  CNES ou des centres opérationnels d’océanographie comme l’Ifremer ou Mercator Ocean.

Source de l’image : Ouest-France, « Brest. Eodyn révolutionne le transport maritime mondial », 30/05/2019

Pour en savoir plus, vous pouvez aller sur le site du projet SEACS (site en anglais).

 

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